CONTRE LE SPASME DU SANGLOT, LE SOUFFLE


Quand mon fils avait neuf mois, environ, il lui est arrivé plusieurs fois d'être sujet au spasme du sanglot. 
Je me souviens notamment de la première fois:
je le changeais et il s'est fâché car en l'habillant, je l'empêchais de se saisir d'un flacon ouvert. Il s'est mis en colère en gesticulant et hurlant. Puis, tout à coup, il s'est arrêté de respirer, et il est devenu tout mou. J'ai senti la panique me gagner. L'instant d'après, il revenait à lui, mais je n'arrivais pas à m'en remettre, totalement ébranlée et angoissée.
Comment un petit bébé comme lui pouvait tout à coup s'arrêter de respirer??
Etait ce à cause de ses émotions? De sa colère?
Etait ce dû à une incapacité à surmonter son émotion ou à un trop plein d'émotion? Les deux peut-être...

Et surtout, question fondamentale: Comment l'aider?

En consultant mon pédiatre, j'ai été rassuré: à priori, mon fils n'était pas en danger. 
Sur internet, on peut lire tout un tas de conseils pour les parents: des petites gifles à donner à son enfant, ou l'eau froide sur son front, ou encore l'indifférence, attendre que cela passe, ne pas "céder au caprice"....
Toutes ces attitudes étaient pour moi inenvisageables.

A 9 mois, mon enfant ne fait pas un caprice, ne tente pas de me manipuler, il vit de manière intense, trop intense, une émotion désagréable : la colère.
Là dessus, j'étais au clair.
Alors, que faire?
Je n'ai pas attendu le prochain spasme du sanglot. J'ai cherché à prévenir la crise plutôt qu'agir au moment de la crise.
Puisque le spasme du sanglot, chez mon fils, était en lien avec la colère, j'ai décidé de travailler avec lui sur cette colère. Je lui ai appris à ne plus se couper de son souffle, à se recentrer sur le souffle.
Attentive à ses réactions de colère, quand j'observais que celle-ci montait, je prenais mon enfant dans mes bras et je lui disais " Respire, comme ça...".
Devant lui, pour qu'il voit bien ma bouche,  j'inspirais puis soufflais longuement, lentement. Fort, aussi pour qu'il entende bien mon souffle. Plusieurs fois.
Au début, il me regardait, sans agir. Puis, il s'est mis petit à petit à m'imiter.
Peu à peu, l'apaisement le gagnait. En le ramenant au souffle, je l'aidais à se réguler, dans mes bras, tout doucement..

J'ai aussi travaillé sur autre chose: sur ma propre colère.
Cet événement a été un déclic pour moi.
En tant que psychologue, j'avais souvent pu constater que les enfants peuvent être des éponges émotionnelles. Si mon enfant vivait une telle colère pour une frustration banale, peut être, que j'avais à me remettre en question, moi, sa mère. Me remettre en question sur ce que sa colère renvoyait de ma propre colère.
Il m'a fallu éclaircir plusieurs choses:

- L'origine de cette colère.
Je me suis rendue compte qu'il n'était pas facile pour moi d'élever un garçon. Que dans ma vie, inconsciemment, j'évitais de nouer des liens avec des hommes. Je sentais aussi que derrière ce comportement, sommeillaient beaucoup de pensées dysfonctionnelles: Je n'aime pas beaucoup la compagnie des hommes. Les hommes sont violents et insensibles. Je préfère les éviter.
Mais comment aimer de manière inconditionnelle mon fils, et continuer à "méjuger" les hommes??
Allais-je imposer à mon fils mes ressentiments contre le genre masculin? Ou changer progressivement et m'ouvrir ?
Petit à petit, j'ai modifié mon système de croyances. Les hommes peuvent être doux et sensibles. Ils peuvent enrichir mes relations. Ils sont importants et tout aussi doués de délicatesse et d'affection que les femmes. Mon mari et mon fils en sont les plus belles preuves, mais pas qu'eux..

- Ma propre gestion émotionnelle.
Le yoga et la méditation de Pleine Conscience m'ont beaucoup aidée et continuent de m'aider à réguler mes émotions.

Aujourd'hui, mon fils a trois ans. Quand il se met en colère, que cette colère gonfle, je lui rappelle: "Respire", et il le fait avec efficacité.
Aujourd'hui, je tolère de le voir se battre avec son père. Je comprends que pour lui, c'est un jeu nécessaire, que des siècles de guerre, ont forgé ce besoin.
Je le comprends et je n'ai plus cette crainte que cela lui retire sa gentillesse, sa douceur.
Quand mon fils me câline en posant sa tête avec confiance au creux de mon cou, je mesure tout ce que son existence a transformé en moi.
La gratitude déferle alors dans mon coeur.
Je le sers ce petit homme et je laisse l'amour, cet amour puissant, inconditionnel, nous envelopper.
Alors, oui,  je suis en paix.

Illustration: William Bouguereau, La mère et son fils

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